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La petite vie du petit Matthieu
3 janvier 2007

Allaitement

Après 2 articles plutôt polémiques et qui ont suscité beacoup de réactions ("Une grande tétée pour les entétées de l'allaitement" et "Ce sacro-sein allaitement") (On se demande quel était le problème de ces 2 journalistes féminines ... ?), Libération rattrape le coup en publiant un article objectif cette fois-ci, écrit par deux médecins (et non pas des journalistes, dont ca devrait être le boulot pourtant ...).
Je vous le mets ci-dessous.

En France, la connaissance et la pratique de la tétée ont disparu de la sphère publique.

Réapprendre l'allaitement

Par Kirsten SIMONDON, Michael KRAMER

mardi 26 décembre 2006

par Kirsten Simondon médecin, épidémiologiste, chercheur à l'Institut de recherche pour le développement, Montpellier et Michael Kramer médecin, épidémiologiste, professeur à l'université McGill de Montréal, Canada.

Libération a publié récemment (le 30 novembre) un article titré "Ce sacro-sein allaitement maternel". Il relatait un agacement et/ou une souffrance de mères de nourrissons face à ce qu'elles perçoivent comme une pression sociale en faveur de l'allaitement maternel.

La France est probablement l'un des pays d'Europe de l'Ouest où l'on allaite le moins. "Probablement", car il existe paradoxalement peu de données disponibles. Environ 50 % des femmes ont initié un allaitement à leur sortie de la maternité, mais seulement 25 % continueraient à 12 semaines (10 % à 20 semaines). Ces taux sont inférieurs à ceux décrits aux Etats-Unis. Dans les pays scandinaves, le taux de femmes allaitantes se situe autour de 80-90 % à la sortie de la maternité et de 60-90 % à 3 mois. Il est vrai que la durée du congé de maternité est de 6 mois au Danemark et de 12 mois en Suède, contre 12 semaines en France. En Afrique, au sud du Sahara, plus de 95 % des femmes initient un allaitement et plus de la moitié continuent pendant au moins 18 mois.

De façon étonnante, l'allaitement est plébiscité depuis longtemps par les féministes de l'Europe du Nord qui souhaitaient reprendre possession de leur corps et de leur maternité face à des pouvoirs médical et industriel vécus comme aliénants (et masculins). En France, au contraire, l'allaitement est perçu comme un moyen pour les hommes de maintenir les femmes hors de la sphère publique et de la vie professionnelle pour les cantonner dans un rôle de "Kinder, Küche, Kirche" (enfants, cuisine, église). Il existe peut-être aussi un refus plus ou moins conscient d'être renvoyé à son statut animal (de mammifère), considéré comme humiliant.

Les personnels médicaux qui tentent de promouvoir l'allaitement sont accusés de se comporter en "oppresseurs", et la plupart des médecins se cantonnent dans une position prétendument neutre : "C'est à la femme de décider." Même si cela est vrai, ce discours est fallacieux dans le sens où la connaissance de l'allaitement s'est largement perdue en France, et que sa pratique a complètement disparu de la sphère publique. Or, sans information ni modèles, il ne peut y avoir de choix libre d'un comportement ayant des implications physiques et psychologiques si profondes. Dans les sociétés traditionnelles d'Afrique et d'Asie, les femmes n'ont pas besoin de médecins ou de sages-femmes pour allaiter. Grâce à une natalité élevée et à un allaitement omniprésent dans la sphère publique, toutes les fillettes et adolescentes ont une bonne connaissance de sa pratique. A leur premier accouchement, elles sont entourées de femmes expérimentées qui les aident. Dans les pays occidentaux, la reconquête de l'allaitement par les femmes ne peut pas être automatique.

La position du corps médical français est restée longtemps ambiguë. Faut-il rappeler que la pratique des "tours de lait" (1) dans les maternités a dû attendre un décret de 1998 pour être officiellement interdite ? Le porte-parole de la Société française de pédiatrie s'était alors insurgé contre cette décision, au prétexte qu'elle privait les pédiatres d'une manne financière indispensable pour pouvoir fréquenter les congrès médicaux !

Quels sont les effets, bénéfiques ou néfastes, de l'allaitement ? Il ne fait plus de doute qu'il protège l'enfant contre une série de maladies infectieuses, virales et bactériennes, notamment les gastro-entérites mais aussi les infections respiratoires et les otites. Dans les pays en développement il s'agit d'un moyen majeur ­ et gratuit ­ de réduire la mortalité infantile. Mais, même dans les pays développés, avec un niveau d'hygiène élevé, on constate que les enfants nourris sans lait maternel sont plus souvent malades. Et l'allaitement "exclusif", pratiqué sans rien donner d'autre à l'enfant, même pas de l'eau, protège mieux que l'allaitement non exclusif. En revanche, et contrairement à une croyance largement répandue, l'allaitement maternel aurait peu d'effets sur le risque d'allergie. Ou plutôt : il protégerait contre certaines manifestations allergiques particulières du nourrisson qui sont expliquées par des infections respiratoires, mais pas du tout contre l'asthme ou les allergies cutanées et alimentaires.

La question du développement cognitif ("l'intelligence") est la plus délicate, d'une part à cause des difficultés à le mesurer et d'autre part à cause de la sensibilité particulière des parents à ce paramètre. Il est vrai que les femmes allaitantes ont, en moyenne, un meilleur niveau d'études et des revenus plus élevés que celles qui n'allaitent pas, et il est dès lors très compliqué de distinguer l'effet propre de l'allaitement sur le quotient intellectuel et la réussite scolaire de l'enfant. Plusieurs études, publiées ou en cours de l'être, ont réussi à faire abstraction des caractéristiques des mères et trouvent un quotient intellectuel plus élevé de l'enfant nourri au lait maternel. Il y a des arguments en faveur de cette constatation : la richesse du lait maternel en certains acides gras essentiels au développement cérébral et l'effet favorable de l'allaitement sur la relation entre la mère et son enfant. Cependant, une femme qui ne peut ou ne veut allaiter son enfant a bien d'autres moyens à sa disposition pour le stimuler intellectuellement.

D'autres effets sont encore à découvrir. A l'heure actuelle, les avis des experts sont ainsi partagés sur des possibles préventions par l'allaitement maternel de l'obésité de l'enfant et l'adolescent. Même si l'on a pu qualifier l'utilisation du lait de vache pour nourrir les bébés de "la plus grande expérimentation jamais tentée sur l'espèce humaine", toutes les maladies chroniques en forte progression dans les sociétés modernes ne sont évidemment pas dues à l'absence d'allaitement...

Une augmentation du taux et de la durée de l'allaitement maternel en France aurait des effets bénéfiques incontestables au niveau de la santé publique. Les personnels médicaux ont le devoir d'en informer les femmes enceintes et à aider activement celles qui décident d'allaiter car, pour notre espèce, cette pratique n'est pas innée. Il y a aussi un rôle pour la société civile de rendre l'allaitement plus "visible" dans l'espace public et pour le pouvoir politique de la rendre plus compatible avec une activité professionnelle.

Mais la situation de l'allaitement en France ne changera pas fondamentalement tant qu'il sera perçu par les femmes comme un devoir imposé et non pas comme un droit à revendiquer.

(1) Des marques fournissaient en lait industriel les maternités, encourageant, par des rémunérations, le personnel soignant à le prescrire.

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Commentaires
M
Une info éclairée, certes... mais macdo ou légumes, tu vois, je choisis tout de suite ;-) sein ou bib, c'est très très différent... les femmes qui n'allaitent pas sont d'aussi bonnes mères que celles qui allaitent, et celles qui allaitent ne sont pas des vaches à lait comme certains les appellent...
L
Ouaip miss, c'est à chacune de choisir, mais avec une information complète et non tronquée.<br /> <br /> Le libre choix oui, mais un libre choix éclairé.<br /> <br /> Ceci étant, très égoïstement pour le bébé, l'allaitement est la meilleure façon de le nourrir (ben en plus c'est fait pour...).<br /> <br /> Maintenant, je comprends qu'avec notre mode de vie actuel (entre autres les femmes qui travaillent), c'est pas forcément super compatible. A noter toutefois que même si l'allaitement est court, il est toujours préférable à pas d'allaitement du tout.<br /> <br /> C'est comme tout, les choix faut qu'ils soient éclairés: choisir la déchirure ou une épisio (et le choix n'est pas si simple que ça), lui filer des légumes ou du MacDo (pour plus tard hein!)...
M
Je crois que c'est avant tout à chacun de choisir....
B
ca m'etonne pas que l'allemagne ait un meilleur taux.<br /> la france doit avoir la pire taux d'europe.<br /> ce qui est dommage c'est que si tu veux aps allaiter, tu passes pour une mauvaise mere, on te culpabilise, et si tu veux allaiter, on te traite presque de vache laitiere etc.<br /> ce qui me tue, c'est quand je vois a quel point les idees fausses et recues sont ancrées, et cela en a peine 30 ans ... et si tu essaies d'apporter de l'information (scientifique, prouvée), on te traite d'intolerante, de faire de la propagande ... mais bon, je vias pas te refaire les livres !!
P
Tu sais, en Allemagne, l'allaitement est plus répandu qu'En France. Pdt un des cours de preparations à l'accouchement, la sage-femme nous a demandé (on était 6 femmes) si on comptait allaiter. Ce n'était pas une vraie question d'ailleurs, juste une question rhétorique. On a toutes lever la main. Et je me suis dit que si l'une d'entre nous n'avait pas voulu le faire, la pression était tellement forte qu'elle n'aurait pas osé le dire. Idem à la mat'. On ne m'a pas demandé mon avis. Alors, oui, j'ai allaité parce que je le voulais. Mais j'aurais pu tout aussi bien ne pas le vouloir. Et je n'aurai pas été pour cela une mauvaise maman. <br /> Alors oui à l'information mais sans pression.
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